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  MAXIMILIEN ROBESPIERRE AND THE 
											FRENCH NATIONAL CONVENTION
 
 
											
											
											Les Principes de Morale Politique 
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  Maximilien de Robespierre. 
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  Robespierre's speech Sur les principes 
					de morale politique. 
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									 King Louis XVI. 
                  
 
                  Top picture: The background 
					depicts the National Convention assembling on a different 
					occasion (that of Louis XVI before the National Convention 
					in 1792). But it will help to imagine the atmosphere in 
					which Robespierre's speech was delivered. 
                  It follows the French full text transcript of Maximilien Robespierre's 
					speech Sur les principes de morale politique, delivered before the National Convention in Paris, 
					France - February 5, 1794. 
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									 excerpt of the English translation. 
 
  
 
									
										
											|  | Citoyens représentants du peuple, 
 Nous avons exposé, il y a quelque temps, les 
								principes de notre politique extérieure : nous 
								venons développer aujourd’hui les principes de 
								notre politique intérieure.
 |  
								
								Après avoir marché longtemps au hasard, et 
								comme emportés par le mouvement des factions 
								contraires, les représentants du peuple français 
								ont enfin montré un caractère et un gouvernement. 
								Un changement subit dans la fortune de la 
								nation, annonça à l’Europe la régénération qui 
								s’était opérée dans la représentation nationale. 
								Mais, jusqu’au moment même où je parle, il faut 
								convenir que nous avons été plutôt guidés, dans 
								des circonstances si orageuses, par l’amour du 
								bien et par le sentiment des besoins de la 
								Patrie, que par une théorie exacte et des règles 
								précises de conduite, que nous n’avions pas même 
								le loisir de tracer.
 Il est temps de marquer nettement le but de la 
								Révolution, et le terme où nous voulons arriver 
								; il est temps de nous rendre compte à nous-mêmes, 
								et des obstacles qui nous en éloignent encore, 
								et des moyens que nous devons adopter pour 
								l’atteindre : une idée simple et importante qui 
								semble n’avoir jamais été aperçue. Eh ! comment 
								un gouvernement lâche et corrompu aurait-il osé 
								la réaliser ? Un roi, un sénat orgueilleur, un 
								César, un Cromwell, doivent avant tout couvrir 
								leurs projets d’un voile religieux, transiger 
								avec tous les vices, caresser tous les partis, 
								écraser celui des gens de bien, opprimer ou 
								tromper le peuple, pour arriver au but de leur 
								perfide ambition. Si nous n’avions pas eu une 
								plus grande tâche à remplir, s’il ne s’agissait 
								ici que des intérêts d’une faction ou d’une 
								aristocratie nouvelle, nous aurions pu croire 
								comme certains écrivains, plus ignorants encore 
								que pervers, que le plan de la Révolution était 
								écrit en toutes lettres dans les livres de 
								Tacite et de Machiavel, et chercher les devoirs 
								des représentants du peuple dans l’histoire 
								d’Auguste, de Tibère ou de Vespasien, ou même 
								dans celle de certains législateurs français ; 
								car, à quelques nuances près de perfidie ou de 
								cruauté, tous les tyrans se ressemblent.
 
 Pour nous, nous venons aujourd’hui mettre 
								l’univers dans la confidence de vos secrets 
								politiques, afin que tous les amis de la patrie 
								puissent se rallier à la voix de la raison et de 
								l’intérêt public ; afin que la nation française 
								et ses représentants soient respectés dans tous 
								les pays de l’univers où la connaissance de 
								leurs véritables principes pourra parvenir ; 
								afin que les intrigants qui cherchent toujours à 
								remplacer d’autres intrigants, soient jugés par 
								l’opinion publique, sur des règles sûres et 
								faciles.
 
 Il faut prendre de loin ses précautions pour 
								remettre les destinées de la liberté dans les 
								mains de la vérité qui est éternelle, plus que 
								dans celle des hommes qui passent, de manière 
								que si le gouvernement oublie les intérêts du 
								peuple, ou qu’il retombe entre les mains des 
								hommes corrompus, selon le cours naturel des 
								choses, la lumière des principes reconnus 
								éclaire ses trahisons, et que toute faction 
								nouvelle trouve la mort dans la seule pensée du 
								crime.
 
 Heureux le peuple qui peut arriver à ce point ! 
								car, quelques nouveaux outrages qu’on lui 
								prépare, quelles ressources ne présente pas un 
								ordre des choses où la raison publique est la 
								garantie de la liberté !
 
 Quel est le but où nous tendons ? la jouissance 
								paisible de la liberté et de l’égalité ; le 
								règne de cette justice éternelle, dont les lois 
								ont été gravées, non sur le marbre ou sur la 
								pierre, mais dans les cœurs de tous les hommes, 
								même dans celui de l’esclave qui les oublie, et 
								du tyran qui les nie.
 
 Nous voulons substituer, dans notre pays, la 
								morale à l’égoïsme, la probité à l’honneur, les 
								principes aux usages, les devoirs aux 
								bienséances, l’empire de la raison à la tyrannie 
								de la mode, le mépris du vice au mépris du 
								malheur, la fierté à l’insolence, la grandeur 
								d’âme à la vanité, l’amour de la gloire à 
								l’amour de l’argent, les bonnes gens à la bonne 
								compagnie, le mérite à l’intrigue, le génie au 
								bel esprit, la vérité à l’éclat, le charme du 
								bonheur aux ennuis de la volupté, la grandeur de 
								l’homme à la petitesse des grands, un peuple 
								magnanime, puissant, heureux, à un peuple 
								aimable, frivole et misérable, c’est-à-dire, 
								toutes les vertus et tous les miracles de la 
								République, à tous les vices et à tous les 
								ridicules de la monarchie.
 
 Nous voulons, en un mot, remplir les vœux de la 
								nature, accomplir les destins de l’humanité, 
								tenir les promesses de la philosophie, absoudre 
								la providence du long règne du crime et de la 
								tyrannie. Que la France, jadis illustre parmi 
								les pays esclaves, éclipsant la gloire de tous 
								les peuples libres qui ont existé, devienne le 
								modèle des nations, l’effroi des oppresseurs, la 
								consolation des opprimés, l’ornement de 
								l’univers, et qu’en scellant notre ouvrage de 
								notre sang, nous puissions voir briller au moins 
								l’aurore de la félicité universelle… Voilà notre 
								ambition, voilà notre but.
 
 Quelle nature de gouvernement peut réaliser ces 
								prodiges ? Le seul gouvernement démocratique ou 
								républicain : ces deux mots sont synonymes, 
								malgré les abus du langage vulgaire ; car 
								l’aristocratie n’est pas plus la république que 
								la monarchie. La démocratie n’est pas un état où 
								le peuple, continuellement assemblé, règle par 
								lui-même toutes les affaires publiques, encore 
								moins celui où cent mille fractions du peuple, 
								par des mesures isolées, précipitées et 
								contradictoires, décideraient du sort de la 
								société entière : un tel gouvernement n’a jamais 
								existé, et il ne pourrait exister que pour 
								ramener le peuple au despotisme.
 
 La démocratie est un état où le peuple souverain, 
								guidé par des lois qui sont son ouvrage, fait 
								par lui-même tout ce qu’il peut bien faire, et 
								par des délégués tout ce qu’il ne peut faire 
								lui-même.
 
 C’est donc dans les principes du gouvernement 
								démocratique que vous devez chercher les règles 
								de votre conduite politique.
 
 Mais, pour fonder et pour consolider parmi nous 
								la démocratie, pour arriver au règne paisible 
								des lois constitutionnelles, il faut terminer la 
								guerre de la liberté contre la tyrannie, et 
								traverser heureusement les orages de la 
								Révolution : tel est le but du système 
								révolutionnaire que vous avez régularisé. Vous 
								devez donc encore régler votre conduite sur les 
								circonstances orageuses où se trouve la 
								République ; et le plan de votre administration 
								doit être le résultat de l’esprit du 
								gouvernement révolutionnaire, combiné avec les 
								principes généraux de la démocratie.
 
 Or, quel est le principe fondamental du 
								gouvernement démocratique ou populaire, c’est-à-dire, 
								le ressort essentiel qui le soutient et qui le 
								fait mouvoir ? C’est la vertu ; je parle de la 
								vertu publique qui opéra tant de prodiges dans 
								la Grèce et dans Rome, et qui doit en produire 
								de bien plus étonnant dans la France 
								républicaine ; de cette vertu qui n’est autre 
								chose que l’amour de la patrie et de ses lois.
 
 Mais comme l’essence de la République ou de la 
								démocratie est l’égalité, il s’ensuit que 
								l’amour de la patrie embrasse nécessairement 
								l’amour de l’égalité.
 
 Il est vrai encore que ce sentiment sublime 
								suppose la préférence de l’intérêt public à tous 
								les intérêts particuliers ; d’où il résulte que 
								l’amour de la patrie suppose encore ou produit 
								toutes les vertus : car sont-elles autre chose 
								que la force de l’âme qui rend capable de ces 
								sacrifices ? et comment l’esclave de l’avarice 
								et de l’ambition, par exemple, pourrait-il 
								immoler son idole à la patrie ?
 
 Non-seulement la vertu est l’âme de la 
								démocratie ; mais elle ne peut exister que dans 
								ce gouvernement. Dans la monarchie, je ne 
								connais qu’un individu qui peut aimer la patrie, 
								et qui, pour cela, n’a pas même besoin de vertu 
								; c’est le monarque. La raison en est que de 
								tous les habitants de ses états, le monarque est 
								le seul qui ait une patrie. N’est-il pas le 
								souverain, au moins de fait ? N’est-il pas à la 
								place du peuple ? Et qu’est-ce que la patrie, si 
								ce n’est le pays où l’on est citoyen et membre 
								du souverain ?
 
 Par une conséquence du même principe, dans les 
								états aristocratiques, le mot patrie ne signifie 
								quelque chose que pour les familles patriciennes 
								qui ont envahi la souveraineté.
 
 Il n’est que la démocratie où l’Etat est 
								véritablement la patrie de tous les individus 
								qui le composent, et peut compter autant de 
								défenseurs intéressés à sa cause qu’il renferme 
								de citoyens. Voilà la source de la supériorité 
								des peuples libres sur tous les autres. Si 
								Athènes et Sparte ont triomphé des tyrans de 
								l’Asie, et les Suisses, des tyrans de l’Espagne 
								et de l’Autriche, il n’en faut point chercher 
								d’autre cause.
 
 Mais les Français sont le premier peuple du 
								monde qui ait établi la véritable démocratie, en 
								appelant tous les hommes à l’égalité et à la 
								plénitude des droits du citoyen ; et c’est là, à 
								mon avis, la véritable raison pour laquelle tous 
								les tyrans ligués contre la République seront 
								vaincus.
 
 Il est dès ce moment de grandes conséquences à 
								tirer des principes que nous venons d’exposer.
 
 Puisque l’âme de la République est la vertu, 
								l’égalité, et que votre but est de fonder, de 
								consolider la République, il s’ensuit que la 
								première règle de votre conduite politique doit 
								être de rapporter toutes vos opérations au 
								maintien de l’égalité et au développement de la 
								vertu ; car le premier soin du législateur doit 
								être de fortifier le principe du gouvernement. 
								Ainsi tout ce qui tend à exciter l’amour de la 
								patrie, à purifier les mœurs, à élever les âmes, 
								à diriger les passions du cœur humain vers 
								l’intérêt public, doit être adopté ou établi par 
								vous. Tout ce qui tend à les concentrer dans 
								l’abjection du moi personnel, à réveiller 
								l’engouement pour les petites choses et le 
								mépris des grandes, doit être rejeté ou réprimé 
								par vous. Dans le système de la Révolution 
								française, ce qui est immoral est impolitique, 
								ce qui est corrupteur est contre-révolutionnaire. 
								La faiblesse, les vices, les préjugés, sont le 
								chemin de la royauté. Entraînés trop souvent 
								peut-être par le poids de nos anciennes 
								habitudes, autant que par la pente insensible de 
								la faiblesse humaine, vers les idées fausses et 
								vers les sentiments pusillanimes, nous avons bien 
								moins à nous défendre des excès d’énergie que 
								des excès de faiblesse. Le plus grand écueil 
								peut-être que nous avons à éviter n’est pas la 
								ferveur du zèle, mais plutôt la lassitude du 
								bien, et la peur de notre propre courage. 
								Remontez donc sans cesse le ressort sacré du 
								gouvernement républicain, au lieu de le laisser 
								tomber. Je n’ai pas besoin de dire que je ne 
								veux justifier ici aucun excès ; c’est à la 
								sagesse du gouvernement à consulter les 
								circonstances, à saisir les moments, à choisir 
								les moyens ; car la manière de préparer les 
								grandes choses est une partie essentielle du 
								talent de les faire, comme la sagesse est 
								elle-même une partie de la vertu.
 
 Nous ne prétendons pas jeter la République 
								française dans le moule de celle de Sparte ; 
								nous ne voulons lui donner ni l’austérité, ni la 
								corruption des cloîtres. Nous venons de vous 
								présenter, dans toute sa pureté, le principe 
								moral et politique du gouvernement populaire. 
								Vous avez donc une boussole qui peut vous 
								diriger au milieu des orages de toutes les 
								passions, et du tourbillons des intrigues qui 
								vous environnent. Vous avez la pierre de touche 
								par laquelle vous pouvez essayer toutes vos lois, 
								toutes les propositions qui vous sont faites. En 
								les comparant sans cesse avec ce principe, vous 
								pouvez désormais éviter l’écueil des grandes 
								assemblées, le danger des surprises et des 
								mesures précipitées, incohérentes et 
								contradictoires. Vous pourrez donner à toutes 
								vos opérations l’ensemble, l’unité, la sagesse 
								et la dignité qui doivent annoncer les 
								représentants du premier peuple du monde.
 
 Ce ne sont pas les conséquences faciles du 
								principe de la démocratie qu’il faut détailler, 
								c’est ce principe simple et fécond qui mérite 
								d’être lui-même développé.
 
 La vertu républicaine peut-être considérée par 
								rapport au peuple, et par rapport au 
								gouvernement : elle est nécessaire dans l’un et 
								dans l’autre. Quand le gouvernement seul en est 
								privé, il reste une ressource dans celle du 
								peuple ; mais, quand le peuple lui-même est 
								corrompu, la liberté est déjà perdue.
 
 Heureusement la vertu est naturelle au peuple, 
								en dépit des préjugés aristocratiques. Une 
								nation est vraiment corrompue, lorsqu’après 
								avoir perdu, par degrés, son caractère et sa 
								liberté, elle passe de la démocratie à 
								l’aristocratie ou à la monarchie ; c’est la mort 
								du corps politique, par la décrépitude. 
								Lorsqu’après quatre cents ans de gloire, 
								l’avarice a enfin chassé de Sparte les mœurs 
								avec les lois de Lycurgue, Agis meurt en vain 
								pour les rappeler. Démosthène a beau tonner 
								contre Philippe, Philippe trouve dans les vices 
								d’Athènes dégénérée des avocats plus éloquents 
								que Démosthène. Il y a bien encore, dans Athènes, 
								une population aussi nombreuse que du temps de 
								Miltiade et d’Aristide ; mais il n’y a plus 
								d’Athéniens. Qu’importe que Brutus ait tué le 
								tyran ? La tyrannie vit encore dans les cœurs, 
								et Rome n’existe plus que dans Brutus.
 
 Mais, lorsque par des efforts prodigieux de 
								courage et de raison, un peuple brise les 
								chaînes du despotisme, pour en faire des 
								trophées à la liberté ; lorsque par la force de 
								son tempérament moral ,il sort, en quelque sorte, 
								des bras de la mort pour reprendre toute la 
								vigueur de la jeunesse ; lorsque, tour-à-tour 
								sensible et fier, intrépide et docile, il ne 
								peut être arrêté ni par les remparts 
								inexpugnables, ni par les armées innombrables 
								des tyrans armés contre lui, et qu’il s’arrête 
								lui-même devant l’image de la loi ; s’il ne 
								s’élance pas rapidement à la hauteur de ses 
								destinées, ce ne pourrait être que la faute de 
								ceux qui le gouvernent.
 
 D’ailleurs on peut dire, en un sens, que pour 
								aimer la justice et l’égalité, le peuple n’a pas 
								besoin d’une grande vertu ; il lui suffit de 
								s’aimer lui-même.
 
 Mais le magistrat est obligé d’immolé son 
								intérêt à l’intérêt du peuple, et l’orgueil du 
								pouvoir à l’égalité. Il faut que la loi parle 
								surtout avec empire à celui qui en est l’organe. 
								Il faut que le gouvernement pèse sur lui-même, 
								pour tenir toutes ses parties en harmonie avec 
								elle. S’il existe un corps représentatif, une 
								autorité première, constituée par le peuple, 
								c’est à elle de surveiller et de réprimer sans 
								cesse tous les fonctionnaires publics. Mais qui 
								la réprimera elle-même, sinon sa propre vertu ? 
								Plus cette source de l’ordre public est élevée, 
								plus elle doit être pure ; il faut donc que le 
								corps représentatif commence par soumettre dans 
								son sein toutes les passions privées à la 
								passion générale du bien public. Heureux les 
								représentants, lorsque leur gloire et leur 
								intérêt même les attachent, autant que leurs 
								devoirs, à la cause de la liberté.
 
 Déduisons de tout ceci une grande vérité ; c’est 
								que le caractère du gouvernement populaire est 
								d’être confiant dans le peuple, et sévère envers 
								lui-même.
 
 Ici se bornerait tout le développement de notre 
								théorie, si vous n’aviez qu’à gouverner dans le 
								calme le vaisseau de la République : mais la 
								tempête gronde ; et l’état de la révolution où 
								vous êtes vous impose une autre tâche.
 
 Cette grande pureté des bases de la Révolution 
								française, la sublimité même de son objet est 
								précisément ce qui fait notre force et notre 
								faiblesse ; notre force, parce qu’il nous donne 
								l’ascendant de la vérité sur l’imposture, et les 
								droits de l’intérêt public sur les intérêts 
								privés ; notre faiblesse, parce qu’il rallie 
								contre nous tous les hommes vicieux, tous ceux 
								qui dans leurs cœurs méditaient de dépouiller 
								le peuple, et tous ceux qui veulent l’avoir 
								dépouillé impunément, et ceux qui ont repoussé 
								la liberté comme une calamité personnelle, et 
								ceux qui ont embrassé la révolution comme un 
								métier et la République comme une proie : de-là 
								la défection de tant d’hommes ambitieux ou 
								cupides, qui, depuis le point du départ, nous 
								ont abandonné sur la route, parce qu’ils 
								n’avaient pas commencé le voyage pour arriver au 
								même but. On dirait que les deux génies 
								contraires que l’on a représenté se disputant 
								l’empire de la nature, combattent dans cette 
								grande époque de l’histoire humaine, pour fixer 
								sans retour les destinées du monde, et que la 
								France est le théâtre de cette lutte redoutable. 
								Au dehors tous les tyrans vous cernent au dedans 
								tous les amis de la tyrannie conspirent : ils 
								conspireront jusqu’à ce que l’espérance ait été 
								ravie au crime. Il faut étouffer les ennemis 
								intérieurs et extérieurs de la République, ou 
								périr avec elle ; or, dans cette situation, la 
								première maxime de votre politique doit être 
								qu’on conduit le peuple par la raison, et les 
								ennemis du peuple par la terreur.
 
 Si le ressort du gouvernement populaire dans la 
								paix est la vertu, le ressort du gouvernement 
								populaire en révolution est à la fois la vertu 
								et la terreur : la vertu, sans laquelle la 
								terreur est funeste ;la terreur, sans laquelle 
								la vertu est impuissante. La terreur n’est autre 
								chose que la justice prompte, sévère, inflexible 
								; elle est donc une émanation de la vertu ; elle 
								est moins un principe particulier, qu’une 
								conséquence du principe général de la démocratie, 
								appliqué aux plus pressants besoins de la patrie.
 
 On a dit que la terreur était le ressort du 
								gouvernement despotique. Le vôtre ressemble-t-il 
								donc au despotisme ? Oui, comme le glaive qui 
								brille dans les mains des héros de la liberté, 
								ressemble à celui dont les satellites de la 
								tyrannie sont armés. Que le despote gouverne par 
								la terreur ses sujets abrutis ; il a raison, 
								comme despote : domptez par la terreur les 
								ennemis de la liberté ; et vous aurez raison 
								comme fondateurs de la République. Le 
								gouvernement de la Révolution est le despotisme 
								de la liberté contre la tyrannie. La force 
								n’est-elle faite que pour protéger le crime ? et 
								n’est-ce pas pour frapper les têtes 
								orgueilleuses que la foudre est destinée ?
 
 La nature impose à tout être physique et moral 
								la loi de pourvoir à sa conservation ; le crime 
								égorge l’innocence pour régner, et l’innocence 
								se débat de toutes ses forces dans les mains du 
								crime. Que la tyrannie règne un seul jour, le 
								lendemain il ne restera plus un patriote. 
								Jusqu’à quand la fureur des despotes sera-t-elle 
								appelée justice, et la justice du peuple, 
								barbarie ou rébellion ? Comme on est tendre pour 
								les oppresseurs, et inexorables pour les 
								opprimés ! Rien de plus naturel : quiconque ne 
								hait point le crime, ne peut aimer la vertu.
 
 Il faut cependant que l’un ou l’autre succombe. 
								Indulgence pour les royalistes, s’écrient 
								certaines gens. Grâce pour les scélérats ! Non : 
								grâce pour l’innocence, grâce pour les faibles, 
								grâce pour les malheureux, grâce pour l’humanité 
								!
 
 La protection sociale n’est due qu’aux citoyens 
								paisibles : il n’y a de citoyens dans la 
								République que les républicains. Les royalistes, 
								les conspirateurs ne sont, pour elle, que des 
								étrangers, ou plutôt des ennemis. Cette guerre 
								terrible que soutient la liberté contre la 
								tyrannie, n’est-elle pas indivisible ? les 
								ennemis du dedans ne sont-ils pas les alliés des 
								ennemis du dehors ? les assassins qui déchirent 
								la patrie dans l’intérieur ; les intrigants qui 
								achètent les consciences des mandataires du 
								peuple ; les traîtres qui les vendent ; les 
								libellistes mercenaires soudoyés pour déshonorer 
								la cause du peuple, pour tuer la vertu publique, 
								pour attiser le feu des discordes civile, et 
								pour préparer la contre-révolution politique par 
								la contre-révolution morale ; tous ces gens-là 
								sont-ils moins coupables ou moins dangereux que 
								les tyrans qu’ils servent ? Tous ceux qui 
								interposent leur douceur parricide entre ces 
								scélérats et le glaive vengeur de la justice 
								nationale, ressemblent à ceux qui se jetteraient 
								entre les satellites des tyrans et les 
								baïonnettes de nos soldats ; tous les élans de 
								leur fausse sensibilité ne me paraissent que des 
								soupirs échappés vers l’Angleterre et vers 
								l’Autriche.
 
 Eh ! pour qui donc s’attendriraient-ils ? 
								serait-ce pour deux cent mille héros, l’élite de 
								la nation, moissonnés par le fer des ennemis de 
								la liberté, ou par les poignards des assassins 
								royaux ou fédéralistes ? Non, ce n’étaient que 
								des plébéiens, des patriotes ; pour avoir droit 
								à leur tendre intérêt, il faut être au moins la 
								veuve d’un général qui a trahi vingt fois la 
								patrie ; pour obtenir leur indulgence, il faut 
								presque prouver qu’on a fait immoler dix mille 
								Français, comme un général romain, pour obtenir 
								le triomphe, devait avoir tué, je crois, dix 
								mille ennemis. On entend de sang-froid le récit 
								des horreurs commises par les tyrans contre les 
								défenseurs de la liberté ; nos femmes 
								horriblement mutilées ; nos enfants massacrés sur 
								le sein de leurs mères ; nos prisonniers expiant 
								dans d’horribles tourments leur héroïsme touchant 
								et sublime ; on appelle une horrible boucherie 
								la punition trop lente de quelques monstres 
								engraissés du plus pur sang de la patrie.
 
 On souffre, avec patience, la misère des 
								citoyennes généreuses qui ont sacrifié à la plus 
								belle des causes leurs frères, leurs enfants, 
								leurs époux ; mais on prodigue les plus 
								généreuses consolations aux femmes des 
								conspirateurs ; il est reçu qu’elles peuvent 
								impunément séduire la justice, plaider contre la 
								liberté la cause de leurs proches et de leurs 
								complices ; on en a fait presqu’une corporation 
								privilégiée, créancière et pensionnaire du 
								peuple.
 
 Avec quelle bonhomie nous sommes encore la dupe 
								des mots ! Comme l’aristocratie et le 
								modérantisme nous gouvernent encore par les 
								maximes meurtrières qu’ils nous ont données !
 
 L’aristocratie se défend mieux par ses 
								intrigues, que le patriotisme par ses services. 
								On veut gouverner les révolutions par les 
								arguties du palais ; on traite les conspirations 
								contre la république comme les procès des 
								particuliers. La tyrannie tue, et la liberté 
								plaide ; et le code fait par les conspirateurs 
								eux-mêmes, est la loi par laquelle on les juge.
 
 Quand il s’agit du salut de la patrie, le 
								témoignage de l’univers ne peut suppléer à la 
								preuve testimoniale, ni l’évidence même à la 
								preuve littérale.
 
 La lenteur des jugements équivaut à l’impunité, 
								l’incertitude de la peine encourage tous les 
								coupables : et cependant on se plaint de la 
								sévérité de la justice ; on se plaint de la 
								détention des ennemis de la République. On 
								chercher ses exemples dans l’histoire des tyrans, 
								parce qu’on ne veut pas les choisir dans celle 
								des peuples, ni les puiser dans le génie de la 
								liberté menacée. A Rome, quand le consul 
								découvrit la conjuration, et l’étouffa au même 
								instant par la mort des complices de Catilina, 
								il fut accusé d’avoir violé les formes, par qui 
								? par l’ambitieux César qui voulait grossir son 
								parti de la horde des conjurés, par les Pisons, 
								les Clodius, et tous les mauvais citoyens qui 
								redoutaient pour eux-mêmes la vertu d’un vrai 
								Romain et la sévérité des lois.
 
 Punir les oppresseurs de l’humanité, c’est 
								clémence ; leur pardonner, c’est barbarie. La 
								rigueur des tyrans n’a pour principe que la 
								rigueur : celle du gouvernement républicain part 
								de la bienfaisance.
 
 Aussi, malheur à celui qui oserait diriger vers 
								le peuple la terreur qui ne doit approcher que 
								de ses ennemis ! Malheur à celui qui, confondant 
								les erreurs inévitables du civisme avec les 
								erreurs calculées de la perfidie, ou avec les 
								attentats des conspirateurs, abandonne 
								l’intrigant dangereux, pour poursuivre le 
								citoyen paisible ! Périsse le scélérat qui ose 
								abuser du nom sacré de la liberté, ou des armes 
								redoutables qu’elle lui a confiées, pour porter 
								le deuil ou la mort dans le cœur des patriotes 
								! Cet abus a existé, on ne peut en douter. Il a 
								été exagéré, sans doute, par l’aristocratie : 
								mais existât-il dans toute la république qu’un 
								seul homme vertueux persécuté par les ennemis de 
								la liberté, le devoir du gouvernement serait de 
								la rechercher avec inquiétude, et de le venger 
								avec éclat.
 
 Mais faut-il conclure de ces persécutions 
								suscitées aux patriotes par le zèle hypocrite 
								des contre-révolutionnaires, qu’il faut rendre 
								la liberté aux contre-révolutionnaires, et 
								renoncer à la sévérité ? Ces nouveaux crimes de 
								l’aristocratie ne font qu’en démontrer la 
								nécessité. Que prouve l’audace de nos ennemis, 
								sinon la faiblesse avec laquelle ils ont été 
								poursuivis ? Elle est due, en grande partie, à 
								la doctrine qu’on a prêchée dans ces derniers 
								temps, pour les rassurer. Si vous pouviez 
								écouter ces conseils, vos ennemis parviendraient 
								à leur but, et recevraient de vos propres mains 
								le prix du dernier de leurs forfaits.
 
 Qu’il y aurait de légèreté à regarder quelques 
								victoires remportées par le patriotisme, comme 
								la fin de tous nos dangers. Jetez un coup-d’oeil 
								sur notre véritable situation : vous sentirez 
								que la vigilance et l’énergie vous sont plus 
								nécessaires que jamais. Une sourde malveillance 
								contrarie partout les opérations du 
								gouvernement : la fatale influence des cours 
								étrangères, pour être plus cachée, n’en est ni 
								moins active, ni moins funeste. On sent que le 
								crime intimidé n’a fait que couvrir sa marche 
								avec plus d’adresse.
 
 Les ennemis intérieurs du peuple français se 
								sont divisés en deux factions, comme en deux 
								corps d’armée. Elles marchent sous des bannières 
								de différentes couleurs et par des routes 
								diverses : mais elles marchent au même but ; ce 
								but est la désorganisation du gouvernement 
								populaire, la ruine de la Convention, c’est-à-dire, 
								le triomphe de la tyrannie. L’une de ces deux 
								factions nous pousse à la faiblesse, l’autre aux 
								excès. L’une veut changer la liberté en 
								bacchante, l’autre en prostituée.
 
 Des intrigants subalternes, souvent même de bons 
								citoyens abusés, se rangent dans l’un ou l’autre 
								parti : mais les chefs appartiennent à la cause 
								des rois ou de l’aristocratie, et se réunissent 
								toujours contre les patriotes. Les fripons, lors 
								même qu’ils se font la guerre, se haïssent bien 
								moins qu’ils ne détestent les gens de bien. La 
								patrie est leur proie ; ils se battent pour la 
								partager : mais ils se liguent contre ceux qui 
								la défendent.
 
 On a donné aux uns le nom de modérés ; il y a 
								peut-être plus d’esprit que de justesse dans la 
								dénomination d’ultra-révolutionnaire, par 
								laquelle on a désigné les autres. Cette 
								dénomination, qui ne peut s’appliquer dans aucun 
								cas aux hommes de bonne foi que le zèle et 
								l’ignorance peuvent emporter au-delà de la saine 
								politique de la révolution, ne caractérise pas 
								exactement les hommes perfides que la tyrannie 
								soudoie pour corrompre, par des applications 
								fausses ou funestes, les principes sacrés de 
								notre Révolution.
 
 Le faux révolutionnaire est peut-être plus 
								souvent encore en-deçà qu’au-delà de la 
								Révolution : il est modéré, il est fou de 
								patriotisme, selon les circonstances. On arrête 
								dans les comités prussiens, anglais, autrichiens, 
								moscovites même, ce qu’il pensera le lendemain. 
								Il s’oppose aux mesures énergiques, et les 
								exagère quand il n’a pu les empêcher : sévère 
								pour l’innocence, mais indulgent pour le crime : 
								accusant même les coupables qui ne sont point 
								assez riches pour acheter son silence, ni assez 
								importants pour mériter son zèle ; mais se 
								gardant bien de jamais se compromettre au point 
								de défendre la vertu calomniée : découvrant 
								quelquefois des complots découverts, arrachant 
								le masque à des traîtres démasqués et même 
								décapités ; mais prônant les traîtres vivants et 
								encore accrédités : toujours empressé à caresser 
								l’opinion du moment, et non moins attentif à ne 
								jamais l’éclairer, et surtout à ne jamais la 
								heurter : toujours prêt à adopter les mesures 
								hardies, pourvu qu’elles aient beaucoup 
								d’inconvénients : calomniant celles qui ne 
								présentent que des avantages, ou bien y ajoutant 
								tous les amendements qui peuvent les rendre 
								nuisibles : disant la vérité avec économie, et 
								tout autant qu’il faut pour acquérir le droit de 
								mentir impunément : ditillant le bien 
								goutte-à-goutte, et versant le mal par torrents : 
								plein de feu pour les grandes résolutions qui ne 
								signifient rien ;plus qu’indifférent pour celles 
								qui peuvent honorer la cause du peuple et sauver 
								la patrie : donnant beaucoup aux formes du 
								patriotisme ; très-attaché, comme les dévots 
								dont il se déclare l’ennemi, aux pratiques 
								extérieures, il aimerait mieux user cent bonnets 
								rouges que de faire une bonne action.
 
 Quelle différence trouvez-vous entre ces gens-là 
								et vos modérés ? ce sont des serviteurs employés 
								par le même maître, ou, si vous voulez, des 
								complices qui feignent de se brouiller pour 
								mieux cacher leurs crimes. Jugez-les, non par la 
								différence du langage, mais par l’identité des 
								résultats. Celui qui attaque la Convention 
								nationale par des discours insensés, et celui 
								qui la trompe pour la compromettre, ne sont-ils 
								pas d’accord ? Celui qui, par d’injustes 
								rigueurs, force le patriotisme à trembler pour 
								lui-même, invoque l’amnistie en faveur de 
								l’aristocratie et de la trahison. Tel appelait 
								la France à la conquête du monde, qui n’avait 
								d’autre but que d’appeler les tyrans à la 
								conquête de la France. L’étranger hypocrite qui, 
								depuis cinq années, proclame Paris la capitale 
								du globe, ne faisait que traduire, dans un autre 
								jargon, les anathèmes des vils fédéralistes qui 
								vouaient Paris à la destruction. Prêcher 
								l’athéisme n’est qu’une manière d’absoudre la 
								superstition et d’accuser la philosophie ; et la 
								guerre déclarée à la divinité, n’est qu’une 
								diversion en faveur de la royauté.
 
 Quelle autre méthode reste-t-il de combattre la 
								liberté ?
 
 Ira-t-on, à l’exemple des premiers champions de 
								l’aristocratie, vanter les douceurs de la 
								servitude et les bienfaits de la monarchie, le 
								génie surnaturel et les vertus incomparables des 
								rois.
 
 Ira-t-on proclamer la vanité des droits de 
								l’homme et des principes de la justice éternelle 
								?
 
 Ira-t-on exhumer la noblesse et le clergé, ou 
								réclamer les droits imprescriptibles de la haute 
								bourgeoisie à leur double succession ?
 
 Non. Il est bien plus commode de prendre le 
								masque du patriotisme pour défigurer, par 
								d’insolentes parodies, le drame sublime de la 
								Révolution, pour compromettre la cause de la 
								liberté par une modération hypocrite, ou par des 
								extravagances étudiées.
 
 Aussi l’aristocratie se constitue en sociétés 
								populaires ; l’orgueil contre-révolutionnaire 
								cache, sous des haillons, ses complots et ses 
								poignards ; le fanatisme brise ses propres 
								autels ; le royalisme chante les victoires de la 
								République ;la noblesse, accablée de souvenirs, 
								embrasse tendrement l’égalité pour l’étouffer ; 
								la tyrannie, teinte du sang des défenseurs de la 
								liberté, répand des fleurs sur leur tombeau. Si 
								tous les cœurs ne sont pas changés, combien de 
								visages sont masqués ! combien de traîtres ne se 
								mêlent de nos affaires que pour les ruiner !
 
 Voulez-vous les mettre à l’épreuve, 
								demandez-leur, au lieu de serment et de 
								déclaration, des services réels ?
 
 Faut-il agir ? Ils pérorent. Faut-il délibérer ? 
								Ils veulent commencer par agir. Les temps 
								sont-ils paisibles ? Ils s’opposeront à tout 
								changement utile. Sont-ils orageux ? Ils 
								parleront de tout réformer, pour bouleverser 
								tout. Voulez-vous contenir les séditieux ? Ils 
								vous rappellent la clémence de César. 
								Voulez-vous arracher les patriotes à la 
								persécution ? Ils vous proposent pour modèle la 
								fermeté de Brutus ; ils découvrent qu’un tel a 
								été noble, lorsqu’il sert la république ; ils ne 
								s’en souviennent plus dès qu’il la trahit. La 
								paix est-elle utile ? Ils vous étalent les 
								palmes de la victoire. La guerre est-elle 
								nécessaire ? Ils vantent les douceurs de la paix. 
								Faut-il défendre le territoire ? Ils veulent 
								aller châtier les tyrans au-delà des monts et 
								des mers. Faut-il reprendre nos forteresse ? Ils 
								veulent prendre d’assaut les églises et 
								escalader le ciel. Ils oublient les Autrichiens 
								pour faire la guerre aux dévotes. Faut-il 
								appuyer notre cause de la fidélité de nos alliés 
								? Ils déclameront contre tous les gouvernements 
								du monde, et vous proposeront de mettre en état 
								d’accusation le grand Mogol lui-même. Le peuple 
								va-t-il au Capitole rendre grâce de ses 
								victoires ? ils entonnent des chants lugubres 
								sur nos revers passés. S’agit-il d’en remporter 
								de nouvelles ? Ils sèment, au milieu de nous, 
								les haines, les divisions, les persécutions et 
								le découragement. Faut-il réaliser la 
								souveraineté du peuple et concentrer sa force 
								par un gouvernement ferme et respecté ? Ils 
								trouvent que les principes du gouvernement 
								blessent la souveraineté du peuple. Faut-il 
								réclamer les droits du peuple opprimé par le 
								gouvernement ? Ils ne parlent que du respect 
								pour les lois, et de l’obéissance due aux 
								autorités constituées.
 
 Ils ont trouvé un expédient admirable pour 
								seconder les efforts du gouvernement républicain 
								: c’est de le désorganiser, de le dégrader 
								complètement, de faire la guerre aux patriotes 
								qui ont concouru à nos succès.
 
 Cherchez-vous les moyens d’approvisionner vos 
								armées ? vous occupez-vous d’arracher à 
								l’avarice et à la peur les subsistances qu’elles 
								resserrent ? Ils gémissent patriotiquement sur 
								la misère publique et annoncent la famine. Le 
								désir de prévenir le mal est toujours pour eux 
								un motif de l’augmenter. dans le Nord, on a tué 
								les poules, et on nous a privé des oeufs, sous 
								le prétexte que les poules mangent du grain. 
								Dans le Midi il a été question de détruire les 
								mûriers et les orangers, sous le prétexte que la 
								soie est un objet de luxe, et les oranges une 
								superfluité.
 
 Vous ne pourriez jamais imaginer certains excès 
								commis par des contre-révolutionnaires 
								hypocrites, pour flétrir la cause de la 
								Révolution. Croiriez-vous que dans les pays où 
								la superstition a exercé le plus d’empire, non 
								contents de surcharger les opérations relatives 
								au culte, de toutes les formes qui pouvaient les 
								rendre odieuses, on a répandu la terreur parmi 
								le peuple, en semant le bruit qu’on allait tuer 
								tous les enfants au-dessous de dix ans et tous 
								les vieillards au-dessus de soixante-dix ans ? 
								que ce bruit a été répandu particulièrement dans 
								la ci-devant Bretagne, et dans les départements 
								du Rhin et de la Moselle ? C’est un crime imputé 
								au ci-devant accusateur public du tribunal 
								criminel de Strasbourg. Les folies tyranniques 
								de cet homme rendent vraisemblable tout ce que 
								l’on raconte de Caligula et d’Héliogabale ; mais 
								on ne peut y ajouter foi, même à la vue des 
								preuves. Il poussait le délire jusqu’à mettre 
								les femmes en réquisition pour son usage : on 
								assure même qu’il a employé cette méthode pour 
								se marier. D’où est sorti tout-à-coup cet essaim 
								d’étrangers, de prêtres, de nobles, d’intrigants 
								de toute espèce, qui au même instant s’est 
								répandu sur la surface de la République, pour 
								exécuter, au nom de la philosophie, un plan de 
								contre-révolution, qui n’a pu être arrêté que 
								par la force de la raison publique ? Exécrable 
								conception, digne du génie des cours étrangères 
								liguées contre la Liberté, et de la corruption 
								de tous les ennemis intérieurs de la République 
								!
 
 C’est ainsi qu’aux miracles continuels opérés 
								par la vertu d’un grand peuple, l’intrigue mêle 
								toujours la bassesse de ses trames criminelles, 
								bassesse commandée par les tyrans, et dont ils 
								font ensuite la matière de leurs ridicules 
								manifestes, pour retenir les peuples ignorants 
								dans la fange de l’opprobre et dans les chaînes 
								de la servitude.
 
 Eh ! que font à la liberté les forfaits de ses 
								ennemis ? Le soleil, voilé par un nuage passager, 
								en est-il moins l’astre qui anime la nature ? 
								l’écume impure que l’Océan repousse sur ses 
								rivages le rend-elle moins imposant ?
 
 Dans des mains perfides, tous les remèdes à nos 
								maux deviennent des poisons ; tout ce que vous 
								pouvez faire, tout ce que vous pouvez dire, ils 
								le tourneront contre vous ; même les vérités que 
								nous venons de développer.
 
 Ainsi, par exemple, après avoir disséminé 
								partout les germes de la guerre civile, par 
								l’attaque violente contre les préjugés religieux, 
								ils chercheront à armer le fanatisme et 
								l’aristocratie des mesures même que la saine 
								politique vous a prescrite en faveur de la 
								liberté des cultes. Si vous aviez laissé un 
								libre cours à la conspiration, elle aurait 
								produit, tôt ou tard, une réaction terrible et 
								universelle ; si vous l’arrêtez, ils chercheront 
								encore à en tirer parti, en persuadant que vous 
								protégez les prêtres et les modérés.
 
 Il ne faudra pas même vous étonner si les 
								auteurs de ce système sont les prêtres qui 
								auront le plus hardiment confessé leur 
								charlatanisme.
 
 Si les patriotes, emportés par un zèle pur, mais 
								irréfléchi, ont été quelque part les dupes de 
								leurs intrigues, ils rejetteront tout le blâme 
								sur les patriotes ; car le premier point de leur 
								doctrine machiavélique est de perdre la 
								République, en perdant les Républicains, comme 
								un subjugue un pays en détruisant l’armée qui le 
								défend. On peut apprécier par-là un de leurs 
								principes favoris, qui est qu’il faut compter 
								pour rien les hommes ; maxime d’origine royale, 
								qui veut dire qu’il faut leur abandonner tous 
								les amis de la Liberté.
 
 Il est à remarquer que la destinée des hommes 
								qui ne cherchent que le bien public, est d’être 
								les victimes de ceux qui se cherchent eux-mêmes, 
								ce qui vient de deux causes ; la première, que 
								les intrigants attaquent avec les vices de 
								l’ancien régime ; la seconde, que les patriotes 
								ne se défendent qu’avec les vertus du nouveau.
 
 Une telle situation intérieure doit vous 
								paraître digne de toute votre attention, surtout 
								si vous réfléchissez que vous avec en même temps 
								les tyrans de l’Europe à combattre, douze cent 
								mille homme sous les armes à entretenir, et que 
								le gouvernement est obligé de réparer 
								continuellement, à force d’énergie et de 
								vigilance, tous les maux que la multitude 
								innombrable de nos ennemis nous a préparés 
								pendant le cours de cinq ans.
 
 Quel est le remède de tous ces maux ? Nous n’en 
								connaissons point d’autre que le développement 
								de ce ressort général de la République, la vertu.
 
 La démocratie périt par deux excès, 
								l’aristocratie de ceux qui gouvernent, ou le 
								mépris du peuple pour les autorités qu’il a 
								lui-même établies ; mépris qui fait que chaque 
								coterie, que chaque individu attire à lui la 
								puissance publique, et ramène le peuple, par 
								l’excès de désordre, à l’anéantissement, ou au 
								pouvoir d’un seul.
 
 La double tâche des modérés et des faux 
								révolutionnaires est de nous ballotter 
								perpétuellement entre ces deux écueils.
 
 Mais les représentants du peuple peuvent les 
								éviter tous deux ; car le gouvernement est 
								toujours le maître d’être juste et sage ; et 
								quand il a ce caractère, il est sûr de la 
								confiance du peuple.
 
 Il est bien vrai que le but de tous nos ennemis 
								est de dissoudre la Convention : il est vrai que 
								le tyran de la Grande-Bretagne et ses alliés 
								promettent à leur parlement et à leurs sujets de 
								vous ôter votre énergie et la confiance publique 
								qu’elle vous a méritée ; que c’est là la 
								première instruction de tous leurs commissaires.
 
 Mais c’est une vérité qui doit être regardée 
								comme triviale en politique, qu’un grand corps 
								investi de la confiance d’un grand peuple ne 
								peut se perdre par lui-même ; vos ennemis ne 
								l’ignorent pas : ainsi vous ne doutez pas qu’ils 
								s’appliquent surtout à réveiller au milieu de 
								vous toutes les passions qui peuvent seconder 
								leurs sinistres desseins.
 
 Que peuvent-ils contre la représentation 
								nationale, s’ils ne parviennent à lui surprendre 
								des actes impolitiques qui puissent fournir des 
								prétextes à leurs criminelles déclamations ? Ils 
								doivent donc désirer nécessairement d’avoir deux 
								espèces d’agents, les uns qui chercheront à la 
								dégrader par leurs discours, les autres, dans 
								son sein même, qui s’efforceront de la tromper, 
								pour compromettre sa gloire et les intérêts de 
								la République.
 
 Pour l’attaquer avec succès, il était utile de 
								commencer la guerre contre les représentants dans 
								les départements, qui avaient justifié votre 
								confiance, et contre le Comité se salut public ; 
								aussi ont-ils été attaqués par des hommes qui 
								semblent se combattre entr’eux.
 
 Que pouvaient-ils faire de mieux que de 
								paralyser le gouvernement de la Convention, et 
								d’en briser tous les ressorts, dans le moment 
								qui doit décider du sort de la République et des 
								tyrans ?
 
 Loin de nous l’idée qu’il existe encore au 
								milieu de nous un seul homme assez lâche pour 
								vouloir servir la cause des tyrans ! mais plus 
								loin de nous encore le crime, qui ne nous serait 
								point pardonné, de tromper la Convention 
								nationale, et de trahir le peuple français par 
								un coupable silence ! car il y a cela d’heureux 
								pour un peuple libre, que la vérité, qui est le 
								fléau des despotes, est toujours sa force et son 
								salut. Or il est vrai qu’il existe encore pour 
								notre liberté un danger, le seul danger sérieux 
								peut-être qui lui reste à courir : ce danger est 
								un plan qui a existé, de rallier tous les 
								ennemis de la République, en ressuscitant 
								l’esprit de parti ; de persécuter les patriotes, 
								de décourager, de perdre les agents fidèles du 
								gouvernement républicain, de faire manquer les 
								parties les plus essentielles du service public. 
								On a voulu tromper la Convention sur les hommes 
								et sur les choses ; on a voulu lui donner le 
								change sur les causes des abus qu’on exagère, 
								afin de les rendre irrémédiables ; on s’est 
								étudié à la remplir de fausses terreurs, pour 
								l’égarer ou pour la paralyser ; on cherche à la 
								diviser ; on a chercher à diviser surtout les 
								représentants envoyés dans les départements, et le 
								Comité de salut public ;on a voulu induire les 
								premiers à contrarier les mesures de l’autorité 
								centrale, pour amener le désordre et la 
								confusion ; on a voulu les aigrir à leur retour, 
								pour les rendre, à leur insu, les instruments 
								d’une cabale. Les étrangers mettent à profit 
								toutes les passions particulières, et jusqu’au 
								patriotisme abusé.
 
 On avait d’abord pris le parti d’aller droit au 
								but, en calomniant le Comité de salut public ; 
								on se flattait alors hautement qu’il 
								succomberait sous le poids de ses pénibles 
								fonctions. La victoire et la fortune du peuple 
								français l’ont défendu. Depuis cette époque, on 
								a pris le parti de le louer en le paralysant et 
								en détruisant le fruit de ses travaux. Toutes 
								ces déclamations vagues contre des agents 
								nécessaire du Comité, tous les projets de 
								désorganisation, déguisés sous le nom de 
								réformes, déjà rejetés par la Convention, et 
								reproduits aujourd’hui avec une affectation 
								étrange ; cet empressement à prôner des 
								intrigues que le Comité de salut public a dû 
								éloigner ; cette terreur inspirée aux bons 
								citoyens, cette indulgence dont on flatte les 
								conspirateurs, tout ce système d’imposture et 
								d’intrigue, dont le principal auteur est un 
								homme que vous avez repoussé de votre sein, est 
								dirigé contre la Convention nationale, et tend à 
								réaliser les vœux de tous les ennemis de la 
								France.
 
 C’est depuis l’époque où ce système a été 
								annoncé dans les libelles, et réalisé par des 
								actes publics, que l’aristocratie et le 
								royalisme ont commencé à relever une tête 
								insolente, que le patriotisme a été de nouveau 
								persécuté dans une partie de la République, que 
								l’autorité nationale a éprouvé une résistance 
								dont les intrigants commençaient à perdre 
								l’habitude. Au reste, ces attaques indirectes 
								n’eussent-elles d’autre inconvénient que de 
								partager l’attention et l’énergie de ceux qui 
								ont à porter le fardeau immense dont vous les 
								avez chargés, et de les distraire trop souvent 
								des grandes mesures de salut public, pour 
								s’occuper de déjouer des intrigues dangereuses ; 
								elles pourraient encore être considérées comme 
								une diversion utile à nos ennemis.
 
 Mais, rassurons-nous ; c’est ici le sanctuaire 
								de la vérité ; c’est ici que résident les 
								fondateurs de la République, les vengeurs de 
								l’humanité et les destructeurs de tyrans.
 
 Ici, pour détruire un abus, il suffit de 
								l’indiquer. il nous suffit d’appeler, au nom de 
								la patrie, des conseils de l’amour-propre ou de 
								la faiblesse des individus, à la vertu et à la 
								gloire de la Convention nationale.
 
 Nous provoquons sur tous les objets de ses 
								inquiétudes, et surtout ce qui peut influer sur 
								la marche de la Révolution, une discussion 
								solennelle ; nous la conjurons de ne pas 
								permettre qu’aucun intérêt particulier et caché 
								puisse usurper ici l’ascendant de la volonté 
								générale de l’Assemblée, et la puissance 
								indestructible de la raison.
 
 Nous nous bornerons aujourd’hui à vous proposer 
								de consacrer, par votre approbation formelle, 
								les vérités morales et politiques sur lesquelles 
								doivent être fondées votre administration 
								intérieure et la stabilité de la République, 
								comme vous avez déjà consacré les principes de 
								votre conduite envers les peuples étrangers : 
								par-là vous rallierez tous les bons citoyens, 
								vous ôterez l’espérance aux conspirateurs ; vous 
								assurerez votre marche, et vous confondrez les 
								intrigues et les calomnies des rois ; vous 
								honorerez votre cause et votre caractère aux 
								yeux de tous les peuples.
 
 Donnez au peuple français ce nouveau gage de 
								votre zèle pour protéger le patriotisme, de 
								votre justice inflexible pour les coupables, et 
								de votre dévouement à la cause du peuple. 
								Ordonnez que les principes de morale politique 
								que nous venons de développer seront proclamés, 
								en votre nom, au dedans et au dehors de la 
								République.
 
 
            
			 
								
 
								  
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